L’Art de Voler, dessiné par Kim et scénarisé par Antonio Altarriba invite à se pencher sur l’histoire de la guerre civile et de ses prolongements dans l’Espagne contemporaine.

Une vie sur quatre étage, une biographie intime qui rend hommage aux idéaux vaincus de la guerre civile. “Comme nombre d’Espagnols, j’appris à vivre sur mon propre cadavre” explique Antonio père avec les mots de son fils. Le scénariste Antonio Altarriba présente un récit poignant à la première personne sur la vie de son père, un ancien anarchiste exilé après la guerre civile.  Rentré au pays en 1949 sous Franco, l’ancien révolutionnaire se résigne, se marrie et tourne le dos à son passé dissident. Au terme d’une longue dépression, en 2001, à 90 ans, il choisit de se défenestrer depuis le 4^ème étage de sa maison de retraite.

Antonio Altarriba est écrivain. C’est pourtant en bande dessinée qu’il a imaginé ce récit pour laisser au dessin de Kim ce qu’il n’aurait pas pu écrire. Plus qu’un envol, le récit d’une chute et le transfert assumé et réussi d’un fils qui a cherché à comprendre. Le dessinateur crée un décor, condense par la richesse documentaire de détails réalistes l’histoire d’une époque. La narration l’emporte ici sur la représentation. De trop courtes envolées surréalistes se substituent parfois là où les mots s’arrêtent comme pour évoquer ce rat qui ronge le ventre et l’âme de celui qui a vu l’aigle fasciste arracher ses yeux et saisir entre ses serres son idéal libertaire. La force à la fois sans concession et chargée d’amour de cette relation au père n’est pas sans rappeler la thématique développée par Spiegelman dans Maus. Une réflexion sur l’espoir et la désillusion servie par la sincérité d’une trajectoire individuelle et universelle confrontée aux événements historiques. Une lecture indispensable.

Lucie Servin

“Je me rappelle avoir dit un jour à Arthur Koestler: “L’histoire s’est arrêtée en 1936””- Georges Orwell, 1942, Réflexions sur la guerre d’Espagne

L’art de voler,  Kim et Antonio Altarriba, Denoël graphique, 216 pages, 2 3,50 euros( paru en avril 2011)

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