Olympe de Gouges de l’émancipation personnelle à la liberté citoyenne
Les auteurs de Kiki de Montparnasse, Catel et José-Louis Bocquet font revivre Olympe de Gouges, l’auteure encore trop méconnue de la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne.
Belle, intelligente et libre, Olympe de Gouges, née Marie Gouges en 1748 dans une famille de bourgeois drapier a tout d’un personnage romanesque. Catel et José-Louis Bocquet ont choisi de retranscrire fidèlement la vie de cette femme qui croise l’histoire de la France de la seconde moitié du XVIIIème siècle, de Montauban à Paris, des philosophes des lumières à la tourmente révolutionnaire. Une biographie érudite sublimée par les reconstructions historiques graphiques précises et saisissantes de Catel, complétée par un index documenté à la fin de l’ouvrage qui renseigne les biographies des différents protagonistes. Redécouverte assez récemment, longtemps dénigrée, caricaturée et considérée comme folle, Olympe de Gouges a été maltraitée par son époque et par la postérité, à commencer par son fils qui la renia publiquement. La reconnaissance est d’abord venue de l’étranger où l’intérêt pour Olympe de Gouges se concentre sur la figure humaniste de femme de lettres engagée. En France, la biographie d’Olivier Blanc en 1981 renouvelle les sources et ouvre le chemin de sa réhabilitation dans l’histoire. Catel et José-Louis Bocquet rendent quant à eux hommage au courage de la plume, à celle qui sa vie durant a bravé les interdits et le scandale.
Militante libre des droits et du quotidien
“La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune.” Partisane girondine, Olympe de Gouges est la deuxième femme guillotinée après Marie-Antoinette par Robespierre. Parce qu’elle a écrit la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne et pris position très tôt contre le mariage en réclamant le droit au divorce ou la reconnaissance des enfants naturels, et en dénonçant le viol dans les liaisons conjugales, elle est vite devenue une icône féministe. Elle écrivait pourtant “les femmes n’ont jamais eu de plus grands ennemis qu’elles-mêmes”. Elle s’investit en réalité dans de nombreuses causes et elle milite notamment pour l’abolition de l’esclavage des Noirs ou pour l’assistance aux pauvres et aux chômeurs. Fille probablement née d’une liaison adultère, mariée de force, elle voit dans son veuvage précoce la chance de sa vie et profite de la liberté auprès de ses amants. En conjuguant la vie personnelle et l’action militante, les auteurs de cette biographie offrent un récit humain bouleversant. La vie d’Olympe de Gouges, femme de lettres, mondaine de salon, dramaturge et philosophe, semble une course vers l’indépendance et la solitude. Pendant la Révolution, elle s’affirme comme une femme politique, propagandiste trop active et dérangeante. Elle meurt en “patriote persécutée”, et lance sur l’échafaud : “Enfants de la Patrie vous vengerez ma mort !” Aujourd’hui, les commémorations sont nombreuses, mais cette biographie en bande dessinée ajoute une touche vivante et rend accessible dans le détail une vie qui foisonne par sa complexité.
Lucie Servin
Olympe de Gouges, José-Louis Bocquet et Catel, Casterman, 400 pages, 24,00 euros
Déclaration des droits de la femme