Marc-Antoine Mathieu instruit le procès du Tout-puissant
La silhouette indistincte de Dieu pose à elle seule la question de son existence. Il fallait imaginer le coupable universel, « Dieu en personne », descendu sur terre le jour du recensement et auquel l’humanité entière demande des comptes. Passé maître du graphisme en noir et blanc, Marc-Antoine Mathieu a choisi de jouer sur les nuances de gris. L’architecture sobre et majestueuse des décors évoque la grandeur et la solennité du propos. La rhétorique fine du scénario insinue des citations de Lessing, Einstein, Queneau, Sartre ou encore Voltaire, dans un récit philosophique puissant.
Les personnages qui illustrent la controverse multiplient les approches philosophiques et métaphysiques sur la responsabilité universelle du Tout-Puissant. Une dialectique sur le concept de Dieu qui révèle le paradoxe entre l’entendement rationnel de la pensée humaine et l’entité immatérielle, surnaturelle et transcendante de l’Éternel.
Le procès de Dieu, mis en scène dans notre société de communication, est soutenu par une narration irrésistible, qui parcourt avec humour les différents registres du langage jusqu’à l’absurde. Une mise en abîme de toutes les gloses contemporaines, mêlant le discours journalistique aux plaidoyers des avocats, les stratégies marketing aux tirades du théâtre. L’inventeur de Julius Corentin Acquefacques livre un album virtuose qui ne fait l’économie d’aucun débat. Une spirale métaphysique qui va au-delà de la réflexion.
Lucie Servin