Hey ! fait son cirque
Les artistes de la revue Hey ! investissent une seconde fois la Halle Saint- Pierre à Paris jusqu’au 23 août. Une exposition foisonnante, prolifique, reflet d’un art en marge et inclassable qui mêle aussi bien la peinture, la sculpture que la bande dessinée.
Hey! Approchez, venez voir ! Pour la seconde fois, le musée de la Halle Saint-Pierre à Paris accueille les artistes de la revue trimestrielle, créée en mars 2010 par deux passionnés, Anne et Julien, activistes d’une contre-culture qui se définit avant tout comme une posture, celle d’exister, envers et contre tous, mais d’abord pour soi-même. Une forme de résistance à l’uniformisation globale et une revendication de liberté totale. Plus qu’“un cabinet de curiosité du XXIe siècle”, comme certains se plaisent à la qualifier, cette exposition est au contraire un cirque vivant, une grande parade foisonnante et mouvante où chaque artiste fait son numéro, “une zone d’autonomie artistique temporaire”. De la prestidigitation à la performance, le spectateur s’émerveille, projeté dans un monde parallèle imaginaire et bien réel. Ici, on ne triche pas, mais chacun s’offre généreusement à un public qui n’a rien à perdre, mais plutôt tout à gagner. “Le cirque reste le dernier terrain d’une liberté sociale et totale garantie par l’éphémère, il permet de créer un lien entre ceux qui ne se parlent plus”, affirme Anne, la commissaire de cette exposition qui, avec Julien, œuvre depuis près de 25 ans pour la diffusion de l’outsiders art et l’art singulier, des courants volontairement en marge d’un milieu tourné vers la séduction et le divertissement.
La cohérence du “ je ”
61 artistes et plus de 300 œuvres. Autant d’univers, de supports, de langages. Les œuvres s’entrechoquent ou se répondent, chacune à son mot à dire. Dans un brouhaha visuel, certaines chuchotent, hurlent, discutent, quand d’autres se taisent dans l’éloquence du silence. Aucune ne se ressemble et le spectateur médusé se rassasie jusqu’à plus faim. Une seule visite ne suffit pas dans ce tourbillon d’artistes singuliers d’hier et d’aujourd’hui, de Louis Pons à H.R. Giger, de Kate Clark à Herbert Hoffmann, sans oublier le photographe Joël-Peter Witkin, Joe Coleman et tant d’autres. Et pourtant dans la cacophonie de la différence, la cohérence surgit comme une évidence, celle d’une communauté d’esprit qui se reconnaît dans l’expression sensible du “je”. “ La revue est la quintessence de tous les arts qu’on veut défendre, dans le prolongement de ce qu’on a toujours fait avec Julien, mais il est important de comprendre que Hey ! relève d’une conviction personnelle très profonde : nous créons chaque numéro en totale indépendance, sans nous soucier du goût des autres, et c’est ce geste de faire qui constitue la réelle valeur de notre positionnement et permet de garantir l’unité de tous ces univers si différents”, affirme Anne. Un parti pris essentiel qui se répercute tous azimuts dans toutes les actions de ce couple d’irréductibles curieux insatiables. En plus de la revue et de l’exposition, Hey ! la Cie s’offre en commentaire scénique sur une partition musicale à leur image : sans début, ni fin. Nul doute que cette exposition ne sera pas la dernière.
Lucie Servin
Infos :
- Jusqu’au 23 août à la Halle Saint- Pierre
2, rue Ronsard – 75018 Paris.
ouvert en semaine de 10h à 18h
samedi de 10h à 19h – dimanche de 11h à 18h
www.hallesaintpierre.org - Le site de Hey !
De Winsor McCay à Jack Kirby
Du groupe Bazooka aux œuvres figuratives comme celles de Mike Davis, l’influence de la bande dessinée se révèle et les artistes empruntent, détournent et s’amusent aussi bien du neuvième art que des traditions de toute l’histoire de l’art. Toutefois, en exposant les planches de deux grands maîtres de la bande dessinée que sont Jack Kirby, “le roi des comics”, père des Fantastic Four et Winsor McCay, l’auteur de Little Nemo, Anne explique son rapport au neuvième art : “Si la BD est davantage considérée aujourd’hui, nous militons depuis toujours pour sa reconnaissance comme un art à part entière. C’est pourquoi dans cette exposition, j’ai réuni ces deux grands noms. Jack Kirby est un artiste révolutionnaire qui a réinventé la narration et le langage des couleurs. Ces planches se composent comme des tableaux. Winsor Mccay est le grand pionnier de la BD, mais aussi un précurseur de l’animation qui proposait des spectacles ambulants. Je me sens si proche de lui que si nous avions vécu à la même époque, j’aurais aimé travailler avec lui.” Affiliation de cœur et d’esprit, Hey ! rend hommage à ce neuvième art en lui donnant sa juste place au milieu des autres.
-> Un article publié dans le numéro 52 du magazine BDSphère le 28 février 2013
Quelques Images :