Les réincarnations du septième art
Cyril Bonin avait montré son goût pour la littérature en adaptant La Belle image, un roman méconnu de Marcel Aymé. Peut-être en clin d’oeil à l’auteur du Passe-Muraille, ce nouveau récit dédié au 7ème art, L’homme qui n’existait pas, qu’il réalise seul, transporte le lecteur dans un conte fantastique où le principal héros se dématérialise littéralement. En rendant un hommage graphique délicat et nostalgique au cinéma des années 50, l’auteur sonde les errements de la solitude et du repli sur soi. Cinéphile passionné, Leonid Miller est informaticien et célibataire. Son activité lui permet de travailler chez lui et d’éviter tout contact avec la société qu’il ne fréquente qu’à travers les salles obscures. Car “les personnages de fiction ont une présence bien plus dense et plus profonde que celle de la plupart des gens”. Invisible aux yeux des autres, il disparaît, rendu à la transparence de sa vie insipide. La douceur de ce récit aux couleurs chaudes, les contrastes entre des verts fantasmagoriques et les ocres de la réalité soutiennent le trait élégant et la fluidité de la narration. Sans être tout à fait mort, errant comme un fantôme, la seule sensation de la faim lui rappelle qu’il est toujours vivant jusqu’au jour où il devient sensible au charme de Françoise Angelli, une jeune et belle actrice au cœur mélancolique qui menace à son tour de disparaître. En devenant l’acteur de sa propre vie, il réincarne son rôle dans le réel. Une fable poétique sur l’inconstance d’une vie qui s’efface à oublier les autres et sur l’importance d’exister dans les yeux d’autrui.
Lucie Servin
L’homme qui n’existait pas, Cyril Bonin, Futuropolis, 56 pages Couleurs 16 euros.
ISBN-13: 978-2754807494
->Retrouvez ce coup de coeur dans le n°13 de BDSphère publié le 17 avril 2012.