Roses des sables dans le désert mexicain
« Western tortilla à l’eau de rose ». Un sous-titre évocateur imprimé sur une couverture typée comme une vieille affiche de cinéma. Las Rosas rend hommage aux femmes.
Sur la route, un panneau indique la Ciudad de Las Rosas, un trou perdu dans le désert de la frontière mexicaine : « Une station-service, des caravanes et des femmes, rien que des femmes… Toutes à cran. » La petite communauté vit en autarcie avec une seule règle : aucun homme ne peut y habiter. Elle sert de refuge aux roses meurtries par une société machiste et violente : « Un tas d’histoires tristes, jetées dans le désert pour y être brûlées. » Le soleil incendie les planches tandis que la nuit plonge au cœur des angoisses avec une densité et une noirceur inquiétantes. Les trames de gris renforcent la spontanéité du trait qui décrit, dans un décor banal, l’aridité du désert et dessine les silhouettes de ces personnages aux physiques marqués et aux expressions torturées.
Anthony Pastor explore tous les clichés des romans à l’eau de rose en empruntant dans ses cadrages autant au western qu’à la série B. Entre les fantômes du passé et les menaces de l’avenir, le destin tout tracé de son héroïne est une mise en abîme de Valse d’amour, ce feuilleton que les femmes regardent pour tromper l’ennui sur la télévision de Marisol. Débarque Rosa : elle a vingt ans, un petit ami qui veut lui faire la peau et un bébé qui lui fait mal au bide. Son arrivée remue le souvenir douloureux d’une autre rose disparue et réveille la tragique malédiction des hommes.
Au-delà du scénario décalé inspiré d’une telenovela, l’histoire de cette grossesse préfigure un dénouement à la manière d’une renaissance : un hymne à l’espoir poétique, un réalisme symbolique à la Garcia Marquez. Les cases de Las Rosas semblent liées par la beauté d’un phrasé de textes et d’images qui réajuste les clichés à une possibilité du réel : un roman graphique et psychologique d’une résonance singulière.
Lucie Servin
Las Rosas d’Anthony Pastor. Actes Sud/L’An 2.
Culture – le 27 Janvier 2011