La Venise retrouvée de Lorenzo Mattotti
Jusqu’au 25 février, la Galerie Martel à Paris expose les œuvres extraites des travaux réalisés à Venise par Lorenzo Mattotti. Venise, en creusant dans l’eau, est le livre édité à cette occasion.
« Heureux qui comme Ulysse a fait un long voyage », en retrouvant Venise, Lorenzo Mattotti rentre chez lui. Cette ville lui est familière, il la parcourait étudiant lorsqu’il suivait des cours d’architecture. Dans sa jeunesse, il n’envisageait pourtant pas autre chose que d’être dessinateur. Amoureux de Tiepolo et de Guardi, il choisit de poursuivre des études d’architecture trouvant là une opportunité et un compromis valable pour habiter dans la ville lumière. Trente cinq plus tard, lorsque le destin le conduit de nouveau à porter son regard sur la Sérénissime, il se passe une chose extraordinaire. « J’ai appris à dessiner au cours de ce voyage », explique-t-il. Une révélation sur ce qu’a apporté la ville à son art, à son dessin et à sa conception de l’espace.
C’est pour une commande que Lorenzo Mattotti est chargé de dessiner Venise. De ce voyage naît un livre d’images, un cahier d’études mêlant dessins à l’encre noire, à l’encre sanguine, dessins au pastel, expériences d’aquarelle sur du papier népalais, et toujours ces petits dessins à la plume, de ceux qu’il produit en toute liberté sur ses carnets, pour retenir ses rêves. Ces lignes fragiles, ces tracés spontanés de dessins sans défense qui ajoutent à l’onirisme d’un artiste qui travaille dans un dialogue constant entre son appréhension immédiate et présente des choses, et son inconscient, sa mémoire et ses souvenirs. Lorenzo Mattotti propose un livre laboratoire cherchant dans l’exploration des techniques à percer les mystères structurels de la ville. Il déambule en solitaire et apprend à raconter non pas Venise, mais sa Venise, celle de ses études, et celle d’aujourd’hui. La sérénité qui se dégage de ses œuvres donne la force de ce travail livré comme un acte d’amour.
«En creusant dans l’eau » Mattotti choisit de mettre en valeur la monumentalité, l’architecture de plateformes,la richesse des points de vue offerts par la trouée d’une place, le surélèvement d’un pont ou l’exiguïté d’une ruelle. Une Venise révélée non plus par ses couleurs mais par sa solidité. L’artiste prend conscience des origines de sa perception de l’espace, des distorsions et de la portée de son regard. Le décor prend vie, la ville est mise à nu dans une pudeur respectueuse et silencieuse. Les textes de Claudio Piersanti, dont la nouvelle Stigmates avait inspiré Mattotti, retranscrivent les quelques mots du dessinateur et guident le lecteur dans cette promenade entre l’imaginaire et la réalité, à dix mille lieux de la place Saint-Marc, des gondoles et d’un carnaval mortifère.Celuiqui avait peint la vitalité, la chaleur et l’exubérance du carnaval de Rio, vide la ville de ses touristes, de ses armées de photographes qui superposent dans des clichés interchangeables lavision stéréotypée d’une ville musée.
Lucie Servin
-> Exposition La Venise de Lorenzo Mattotti à la galerie Martel jusqu’au 25 février 2012. Ouverture du mardi au samedi de 14h30 à 19, 17 rue Martel, 75010 Paris
->Lorenzo Mattotti – Venise, en creusant dans l’eau » ed. Galerie Martel, format à l’italienne, 144 pages, 30 euros.
-> Les sites de l’artiste http://www.mattotti.com et http://lorenzomattotti.blogspot.com
-> Jusqu’au 17 février Exposition des planches originales extraites de Stigmates dans le cadre de l’exposition GraphicNovel.it qui réunit actuellement à l’Institut Culturel Italien (73 rue de Grenelle, Paris 7e) le travail f de 15 auteurs-dessinateurs italiens. Ouverte du lundi au vendredi de 10h-13h / 15h-18h. Entrée libre.